Banlieues populaires, présentation de l’ouvrage publié sous la direction de Marie-Hélène Bacqué, Emmanuel Bellanger et Henri Rey

 

A l’occasion de la journée festive de réflexion et d’échange ayant eu lieu le 24 novembre 2018 au Musée de l’Histoire vivante à Montreuil pour ses vingt ans, l’AHMO a invité des directeurs et auteurs de l’ouvrage Banlieues populaires, publié en septembre 2018 aux Editions de l’Aube.

Nous rendons compte ci-après de ce moment d’échange au cours duquel nous avons accueilli deux directeurs de l’ouvrage, Marie-Hélène Bacqué et Henri Rey, et une des auteures, Marie-Claude Blanc-Chaléard. 

Cet ouvrage est le résultat d’un séminaire hybride (acteurs et scientifiques) du CEVIPOV sur un objet pas particulièrement développé, la banlieue. Il a eu lieu pendant cinq ans, mené essentiellement par Emmanuel Bellanger et Marie-Hélène Bacqué. Ce séminaire avait jadis un lien avec l’histoire du communisme, mais suite à une série de divergences, il s’est autonomes. Il se tenait en parallèle au séminaire d’Annie Fourcaut sur la banlieue parisienne. 

On y a réfléchi sur les sociétés locales face à la désindustrialisation et à ses effets politiques, sur les politiques publiques. On y a aussi établi des fichiers statistiques individuels. 

Ce séminaire croisait plusieurs disciplines et rassemblait des chercheurs de plusieurs générations avec des approches larges, en privilégiant le plus souvent le temps long, il abordait des questions peu développées jusqu’alors, comme la question du genre. 

L’ouvrage issu de ce séminaire est composé de quatre grandes parties : 

  • Les transformations politiques, les mouvements sociaux ;
  • Les transformations sociales, la diversification : transformation par le haut (gentrification) et parallèlement, paupérisation ; contre toutes les images caricaturales des banlieues, le phénomène est complexe. Au sein même des classes populaires, on assiste à des recompositions ;
  • Les images et représentations du territoire. La question de la sécurité et de la religion. On sort du seul prisme de l’islam; on évite les contresens, on montre ainsi le renouvellement des pratiques catholiques et le développement de l’évangélisme ;
  • Les transformations politiques au sens des politiques publiques avec l' »arrivée » du Grand Paris qui risque de faire disparaître le département. On se focalise sur les politiques locales qui forgent le territoire. 

Marie-Claude Blanc-Chaléard a privilégié en revanche, en tant qu’auteure, le temps court, à travers la question de l’immigration. Elle s’est focalisée sur les années 1980. Elle a cherché à « déplacer » le regard, en montrant la spécificité de la Seine-Saint-Denis (30% d’immigrés contre 15% en Ile-de-France). Elle revient à l’occasion de cette présentation, sur les quatre phases des modes d’intégration des immigrés. 

Elle observe une diversification progressive, elle montre qu’aujourd’hui, contrairement au passé, la part des étrangers dans les milieux populaires est très importante. Aujourd’hui, 65% des enfants de Seine-Saint-Denis ont un parents étranger (c’est comparable à une ville comme Chicago). les nouvelles vagues d’immigration n’ont plus rien à voir avec la société salariale. Pendant longtemps, les municipalités communistes ont cherché à mettre la modernité au service de tous, mais aujourd’hui, les immigrés sont vus comme des intrus, la cause des difficultés du territoire, alors que les difficultés constituent l’histoire même des banlieues populaires. En revanche, il y a eu un rendez-vous manqué (absence de politiques inclusives) car les immigrés n’allaient pas faire les citoyens du futur. Les mutations d’aujourd’hui (le retour de l’emploi, pas industriel mais tertiaire) ne profitent finalement pas aux populations installées sur ces territoires. 

Lors de l’échange avec le public, on a insisté sur les disparités (ainsi, Montreuil : 2ème ville du Mali ou ville de bobos ?) et sur le fait qu’il n’existait pas d’histoire linéaire du communisme. 

S’est posée la question de la réception des travaux des chercheurs : dans quelle mesure influencent-ils les partis politiques, les associations, les élus, et plus généralement l’opinion publique ? Existe-t-il une culture d’incitation à la recherche (évocation du cas de Georges Valbon, président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis de 1967 à 1982). 

La manière de parler des banlieues change : on ne prend pas seulement le point de vue des territoires mais aussi le point de vue des gens qui y passent. 

La recherche, loin d’être homogène, contribue au débat public. 

Compte rendu établi par Pascal Guillot

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