BACHELET Alexandre, Edmond
Alexandre Bachelet, fils d’un ouvrier agricole saisonnier et d’une lingère, fréquenta l’Ecole primaire de Saudemont jusqu’à l’âge de dix ans. » Il se révéla comme un élève très doué et intelligent » affirme le maire de Saudemont (lettre du 4 juillet 1985). Il fit divers travaux saisonniers, notamment à la sucrerie Davaine de Villers-lez-Cagnicourt, jusqu’à l’âge de seize ans. Sa famille vint alors se fixer à Saint-Ouen (Seine) et son père devint employé de chemin de fer. Alexandre Bachelet travailla en usine puis prépara le brevet d’enseignement primaire. Il devint instituteur, répétiteur puis inspecteur des études (surveillant général) au collège Chaptal.
Franc-maçon et socialiste, Bachelet vécut les premiers succès du mouvement socialiste à Saint-Ouen. Il avait vingt et un ans, lorsqu’en 1887, les électeurs audoniens envoyèrent une majorité de conseillers socialistes siéger à la mairie. En 1898, la désunion des fractions socialistes permit aux radicaux de reprendre la municipalité ; ils la gardèrent jusqu’en 1912. Alexandre Bachelet milita dans le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) et représenta les IIe et XVIe arrondissements de Paris au congrès de Saint-Quentin (1892). Il rejoignit la section socialiste SFIO de Saint-Ouen après l’unité de 1905. Élu maire adjoint socialiste en mai 1912 (municipalité Louis Dain*, voir ce nom), il entra le 9 juin de la même année au conseil général de la Seine où il resta pendant quinze ans. Secrétaire du conseil général en juin 1912, vice-président en 1925, il défendit avec constance les intérêts du personnel enseignant de la Seine. Le Parti socialiste le présenta aux élections législatives du 26 avril 1914, dans la quatrième circonscription de Saint-Denis. Il obtint 8 349 voix contre 10 644 à Maurice Bokanowski (son adversaire malheureux aux élections du conseil général) qui fut élu. Il prit part aux élections du 16 novembre 1919 dans le quatrième secteur de la Seine (112 864 voix). En 1919, les élus socialistes de Saint-Ouen, Émile Cordon, Gustave Lesesne* et Bachelet, déclenchèrent une violente campagne contre le maire Paul Bourdet* (voir ce nom) dont le nationalisme prit des formes excessives lors du défilé de la victoire, et le firent exclure du Parti socialiste. Bachelet appartenait alors à la tendance » néo-majoritaire « .
Aux élections municipales de novembre-décembre 1919, précédées à Saint-Ouen par de grandes grèves, notamment aux usines Somua, la liste socialiste dirigée par Lesesne, Cordon et Bachelet fut réélue. L’entente semblait parfaite entre les trois animateurs socialistes locaux. Bachelet étant déjà conseiller général se contenta de la fonction de premier adjoint. Lesesne fut élu maire mais, instituteur dans la commune, il savait qu’il serait invalidé par la préfecture. Émile Cordon lui succéda. Bachelet se présenta sans succès aux élections sénatoriales du 11 janvier 1920 et recueillit aux deux tours de scrutin : 361 voix et 359 voix sur 1 022 votants.
Il avait été initié à la Loge l’Etoile polaire le 17 1897 qu’il quitta en mai 1920 pour l’Equité, Orient de Pantin puis, en novembre 1925, il rejoignit la Franche amitié, Orient de Paris. Il fut membre du conseil de l’ordre du Grand orient de France. Alexandre Bachelet adhéra au Parti communiste au lendemain du congrès de Tours (décembre 1920) avec l’ensemble de la municipalité et la grande majorité des militants locaux. Franc-maçon, il ne pouvait pas approuver les décisions du IVe congrès de l’Internationale communiste. À la réunion de la section socialiste de Saint-Ouen du 28 décembre 1922, Cordon attaqua les conditions de l’IC, soutenu par Bachelet et Lesesne qui, lui, n’était pas franc-maçon. Le 30 décembre 1922, les militants approuvèrent leurs élus par 81 voix contre 80. Bachelet aurait signé le manifeste des » résistants » le 3 janvier 1923, mais la presse communiste annonça le 5 janvier qu’il s’agissait d’une » fausse nouvelle « . Le Parti communiste l’exclut le 16 janvier 1923. Il adhéra au Parti communiste unitaire puis fut membre du Comité central de l’Union socialiste communiste née le 29 avril 1923 de la fusion avec l’Union fédérative socialiste.
Le Cartel des gauches le présenta, sans succès, aux élections législatives du 11 mai 1924 dans le quatrième secteur de la Seine. Réélu conseiller municipal en mai 1925, il resta premier adjoint. Le mois suivant, les électeurs de Saint-Ouen le confirmèrent dans sa fonction de conseiller général de la Seine par 3 128 voix, contre 1 406 au candidat communiste. Tête de liste socialiste-communiste aux élections sénatoriales du 9 janvier 1927, il fut élu au deuxième tour. Les communistes avaient voté pour lui dès le premier tour. Bachelet entretenait d’assez bons rapports avec le Parti communiste, ainsi, en 1928, il présida plusieurs réunions publiques communistes à Saint-Ouen. Il démissionna de son mandat de conseiller général en mars et facilita l’élection du socialiste-communiste Auguste Truchaux* – voir ce nom. Le décès d’Émile Cordon survenu le 29 juillet 1927 obligea Bachelet à accepter la première magistrature municipale. Dès les élections de mai 1929, il abandonna l’écharpe à Gustave Lesesne* et ne garda que le titre de quatrième adjoint. Il participa le 21 décembre 1930 au congrès de fondation du Parti d’unité prolétarienne (PUP), fusion de l’Union socialiste-communiste et du Parti ouvrier et paysan. Les délégués le nommèrent au Comité central et au Bureau politique (cependant son nom ne figurait pas sur la liste des membres du BP publiée par Ca ira le 27 décembre 1930). Réélu deuxième adjoint au maire de Saint-Ouen le 19 mai 1935, il démissionna de cette fonction le 19 octobre 1936 après avoir conservé, le 14 janvier, son siège de sénateur de la Seine. Les militants du PUP réunis en congrès le 31 janvier 1937 décidèrent la fusion avec le Parti socialiste SFIO.
Alexandre Bachelet fut un des rares élus socialistes avec Henri Sellier* et André Morizet* à s’abstenir le 19 janvier 1940, lors du vote sur la déchéance des parlementaires communistes. Il prit même la défense de Marcel Cachin* à la tribune du Sénat. Le 10 juillet 1940 à Vichy, il compta parmi les quatre-vingts élus qui refusèrent la délégation des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Le gouvernement de Vichy le considéra comme démissionnaire d’office de sa fonction de conseiller municipal de Saint-Ouen, du fait de son appartenance à la franc-maçonnerie, en qualité de dignitaire de » l’Étoile polaire » (Grand-Orient).
Agé, il se retira dans un petit village de la Haute-Vienne. Le congrès extraordinaire de réorganisation du Parti socialiste SFIO tenu à Paris du 9 au 12 novembre 1944, l’avait maintenu comme membre du Parti. Il fut président du Comité local de Libération de Saint-Ouen et maire d’août 1944 à mai 1945. Les communistes battirent sa liste au renouvellement général. Il mourut à son domicile parisien, rue Damrémont dans le XVIIe arr. – où il habitait depuis 1935. Alexandre Bachelet était marié et avait deux enfants. Son fils Maurice (né en 1928) fut professeur de chimie à la faculté des sciences de Rouen dans les années soixante.
Jean Maitron, Claude Pennetier et Justinien Raymond
OEUVRE : A. Bachelet est l’auteur de plusieurs brochures de propagande en faveur des idées socialistes, syndicales et coopératives, en particulier La Doctrine socialiste et ses moyens d’application (collection de la bibliothèque de L’Humanité).
SOURCES : Arch. Dép. Seine, D3M2 (2), D2M2 n° 52 ; D M3, Versement 10451/76/1. – Arch. Com. Saint-Ouen. – Arch. Jean Maitron. – L’Humanité, 6 janvier 1920. – Le Courrier socialiste, 1904, 1910, 1928. – La Nouvelle Revue socialiste, n° 35, 1931. – Le Monde 3 août 1945. – L’Unité, 6 octobre 1934. – Le Journal de Saint-Denis, 1er mars 1940. – Les Cahiers de l’Ordre, 1926-1934. – Compte rendu du congrès extraordinaire du Parti socialiste SFIO, novembre 1944. – Notes bibliographiques sur les membres des assemblées municipales parisiennes et des conseils généraux de la Seine, BN : 4° Ln 25/667 (1-2). – Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, III, op. cit., p. 222. – Statistique des élections au Sénat. – Livre d’Or des Quatre-vingts, Assemblée nationale, 1954, 193 p. (p. 22-23).
ICONOGRAPHIE : portrait provenant des Archives communales de Saint-Ouen.
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